Les agents des guichets de La Poste Colbert

par Rolande Carrière (membre de l’AMVIC)

Je suis arrivée à Colbert en septembre 82 ; j’avais demandé ma mutation de Saint Giniez pour connaitre le travail dans un grand bureau.  Militante à la CGT et au Parti Communiste ,je connaissais bien Georges Rosso et Nicole Bamoudrou qui avait été titularisé à Saint Giniez après les grandes grèves de 1974.

Mon premier contact a été un peu décevant : après les allées ombragées de l’avenue du Prado je me trouvais au guichet dans une grande salle mal éclairée derrière de grandes vitres ce qui ne facilitait pas la communication avec les usagers : 16 guichets aux taches spécialisées, la tète courbée toute la vacation, la connaissance des collègues n’a pas été rapide.

Je n’ai pas attendu longtemps à apprécier l’existence d’une grande solidarité et une valeur chère à tous : le service public .Dès mon arrivée une tentative de suppression de repos compensateurs a fait lever l’ensemble des collègues à l’appel de Nicole pour envahir le bureau du chef d’établissement ; et depuis ça n’a jamais été démenti.

Le bureau situé dans les arrondissements les plus pauvres de Marseille il était nécessaire d’accorder beaucoup de temps aux usagers, c’est pourquoi nous avons toujours demandé la reconnaissance du rôle social ce que les préposés ont obtenu. 

Les guichets de Caisse d’Epargne étaient les plus nombreux car le livret servait de compte à vue ,avec des files d’attente interminables du début à la fin de la vacation. Comme l’informatique n’était pas encore installé à Colbert, nous avions des milliers de fiches à classer au petit matin.

Les usagers faisaient remplir leurs imprimés par un écrivain toléré par la Poste en échange de quelques pièces de monnaie ; il nous était interdit de rendre ce service. Dans l’attente de virements les titulaires de compte venaient plusieurs fois dans le mois présenter leur livret , aussi quand la poste a décidé la suppression du livret pour le remplacer par une carte, l’inquiétude des usagers a été grande car dans les immeubles vétustes du centre ville ou sévissaient les marchands de sommeil la distribution du courrier dans des boites à lettres défectueuses ne garantissait pas une réception normale des avis de virement ; avec quelques collègues nous avons refusé de détruire systématiquement les livrets et de nous en expliquer avec les cadres .

Les origines multiples de la population de centre ville a pour moi été un enrichissement cela nous ouvrait sur le monde :

Il y avait un guichet spécialisé dans l’envoi des gros colis postaux jusqu’à 20 kg ou les commerçants de Belsunce faisaient leur expédition pour l’Asie, l’Amerique du sud, l’océan indien etc..

Un guichet spécialisé pour les mandats internationaux cela m’a permis de mieux connaître les petites iles des Comores du Cap Vert les villes du Sénégal du Maroc de l’Algérie et de la Tunisie.

C’est à la fin des années 80 que le service public a commencé à recevoir de lourdes attaques ;la conception de notre rôle a été bouleversé : d’agent au service de la population je devais devenir une vendeuse de produits. Ainsi disparaissait notre polyvalence dans nos fonctions qui enrichissait notre qualification garantie durant toute notre vie professionnelle .

La liberté et la sécurité que nous donnait le statut en nous permettant une polyvalence ont été remises en cause par notre attachement à un poste de travail.

Entrée contrôleur à 20 ans je me retrouvais 2.2 

mon engagement syndical et politique s’est renforcé et les deux grandes grèves des postières et postiers de Colbert en ont été l’expression, 1992 et 1995.

La citoyenneté à l’entreprise bien comprise par beaucoup de collègues nous a permis de débattre en particuliers de la place de notre service postal dans la société dans notre ville

Je me souviens 

_de la venue début 83 du député Guy Hermier dans la cour de Colbert devant des dizaines de préposés et d’agents du service général pour que l’union de la gauche soit élue pour la première fois à Marseille , 

_ des débats pour les droits des femmes en particuliers tous les 8 mars les guichets colorés par le rouge des œillets distribués le matin à l’entrée du personnel 

Ainsi que de ma participation à une délégation du syndicat CGT à la Direction, le 8 mars en 1976

__de la délégation auprès du député de la circonscription pour qu’il ne vote pas l’entrée en guerre de la France en 1990 et quelques uns et quelques unes à porter au guichet le badge signé Jacques Prevert «  quelle connerie la guerre  »