par Denis Estève (membre fondateur de l’AMVIC)

Depuis longtemps le mécontentement régnait parmi les postiers, aussi n’a-t-il pas fallu inciter le personnel à se déterminer pour l’action. A la quasi unanimité, le personnel adoptait la grève illimitée et décidait spontanément l’occupation des locaux. Aussitôt, chaque agent, chaque préposé, prenait ses responsabilités. Pas besoin d’ordre, chacun ses sentait concerné et parfaitement conscient de son rôle. L’unité se créait, une unité qui est restée inébranlable du commencement à la fin de la grève et qui, nous l’espérons ira en se renforçant dans le futur.

Les tours de garde aux différents points névralgiques étaient assurés en commun ( service général, préposés) Jour et nuit, le personnel était là et personne ne pourra prétendre qu’une
minorité imposait la grève à une majorité. A signaler le personnel féminin que nous avions volontairement écarté de la nuit, mais qui nous avait fait la proposition de l’assurer au même titre de chacun de nous. Pendant tout ce temps, le personnel n’est pas resté inactif, outre les tours de garde, des corvées de nettoyage s’instauraient, chacun veillait au matériel et au courrier. Qu’il nous soit permis de féliciter tout le personnel en grève pour sa grande maturité et son sang froid.

Le paiement d’une avance fut assuré par des grévistes sans aucun incident, grâce à leur dévouement et l’esprit d’initiative dont ils ont fait preuve. Ensuite, ce fût l’expulsion par les forces de police.
Nous fûmes le premier bureau à être expulser officiellement. Malgré la ferme détermination à rester dans les locaux, le personnel parfaitement conscient du but qu’il recherchait, à savoir l’obtention de ses revendications essentielles, fit la démonstration éclatante de sa discipline et de son calme, ce qui évita tout incident avec la police et les nervis de l’action civique étranger à l’Administration. C’est au chant de « La Marseillaise » que le personnel sortit pour poursuivre la lutte à l’extérieur.
C’est au chant de « La Marseillaise » que le personnel sortit pour poursuivre la lutte à l’extérieur.
Pourtant les provocations ne manquèrent pas, les candidats de la « majorité » et Grimaldi pénétrèrent dans les locaux. Un postier non gréviste alors que sa sécurité n’était nullement en cause, sortit de sa poche une arme automatique sous le couvert de la liberté de travail. Malgré cela, le calme de tous les postiers fut déterminant et ces beaux messieurs en furent pour leur frais.
Enfin, les négociations terminées; comme disait un camarade : «il n’y a plus rien à attendre dans l’immédiat». Aussi fallait-il informer le personnel de cette nouvelle situation. Un premier vote eut lieu, mais le lendemain les choses étaient plus claires dans l’esprit de tout un chacun et une rentrée symbolique faut organisée. Les grévistes firent le tour de la Poste, drapeaux tricolores en tête, symbole de la nation toute entière, et par conséquent de la classe ouvrière, force vive de la nation. « La Marseillaise » fut reprise unanimement avec des slogans tels que « Unité partout ».

Cette magnifique grève aura eu pour conséquence, après les résultats obtenus, d’améliorer les liens entre le service général et la distribution. De cette amitié consolidée par l’action, est née une confiance accrue dans les luttes futures pour faire aboutir nos légitimes revendications.
Témoignage de Vincent Mémoli

Mai 1968 : Suite aux mouvements étudiants , des millions de salariés cessent le travail ;; à la RP , nous le décidons le 13 Mai ..avec occupation à compter du 15 Mai .. ces grèves , ces importantes manifestations ont provoqué la paralysie du pays .. pour ce qui nous concerne et pour permettre à ceux qui n’habitaient Marseille de venir participer, il fallait trouver de l’essence ;; nous l’avons fait en allant nous approvisionner à Fos où les grévistes du dépôt nous ont rempli les jerricans ..
Nous avons aussi récupéré auprès d’autres entreprises en grève de l’alimentation : comme du café , du sucre … Au bureau le Receveur , Jourdan , nous proposait de nous remettre les clés ; nous avons réussi à percevoir une avance sur salaire de 500FRS pour tous les grévistes , exceptés les quelques uns qui clamaient ne pas participer à la grève .c’est notre camarade , ( un gros , costaud ) responsable du guichet 1 qui s’est chargé de cette opération . Cette décision a créé des remous dans l’environnement et a conduit un usager , un RPR, à nous menacer avec une arme .. la police , alertée est intervenue ,mais après inspection sur l’individu a déclaré ne rien avoir vu de suspect .. !!
1968 a été la seule année où la grève avec occupation des locaux s’est réalisée à la RP nous avons eu d’autres tentatives pour cette forme d’action , sans pouvoir la réaliser car trop minoritaire.
Vincent nous rappelle les retombées bénéfiques des accords de Grenelle :
J’ai eu dit-il , 35% d’augmentation sur mon salaire , nous avons obtenu les 40h , la reconnaissance de la section syndicale , l’indemnisation des jours de grève . Il est vrai que cette grève à la RP , était tenue essentiellement par les facteurs et que le service général s’y trouvé , contraint et forcé ! Comme nous avions des responsables dans tous les arrondissements, nous représentions avec la CGT, une force unie .. ça faisait mal ..
Lorsque je suis arrivé à la RP , le secrétaire CGT était Bazin Eugène , il a été remplacé à son décès par René Coromines;; Boiral , un résistant était responsable pour le 4eme , il y avait aussi Boracco ;;.Litardi au 2eme ard ; pour le 6eme : Luci ( peut être ) ? Rosso Georges (aujourd’hui maire du ROVE ) a été le responsable CGT du service général . J’ai eu mon quartier en 1959 .
Témoignage de Marc Tharreau

Je me souviens de la première fois où j’ai pris la « parole » : c’était lors du démarrage de la grève de 1968. Pierrot Amendola était venu nous chauffer à blanc ( mais on n’en avait pas besoin) et à l’issue de son discours, nos décidions d’occuper les locaux et là je me trouve pris avec une dizaine d’autres camarades et René Coromines nous dit : « vous montez sur un casier de tri, dans chaque travées et vous dites : les grévistes dedans, les non grévistes dehors »C’est alors qu’un vieux facteurs-chef, effaré de voir un jeune inconnu( moi) lui donner des ordres, ne voit-il pas qu’il a un malaise qui motive l’arrivée des pompiers qui l’ont emmené ; on ne l’a plus jamais revu.
1968 des petits détails qui portent leur importance.
Ce jour là c’était la fin de grève (1968) le matin, un petit homme (par la taille) nous a réuni et il avait des arguments pour nous faire arrêter une grève, nous étions les seuls à continuer. Nous sommes choqués nous ne voulons pas sortir car entre temps les CRS et un commissaire venaient nous déloger.
Le Receveur était à notre tête et quand le « flic » s’est approché il lui a dit « on n’a pas tremblé devant les Allemands ce n’est pas vous qui allait nous faire peur ».
Il y avait le serrurier qui ouvrait et refermait les grilles qui avaient un cadenas et le pauvre n’en pouvait plus, c’est alors qu’est arrivée une femme qui venait porter à manger à son mari. Les CRS l’ont laissé passer et là j’ai vu que c’était mon épouse. Quelle joie de se retrouver !
Nous décidons enfin de sortir mais pas n’importe comment, nous nous sommes mis en rang comme pour une manif et avons défilé sous les acclamations du public avec les drapeaux et chansons.Ça a été une belle matinée.
1968 Désigné pour garder le coffre et surveillé par le Receveur.
Nous sommes en 1968 le receveur désigne 4 copains en qui il avait toute confiance pour monter la garde dans la pièce ou il y avait le coffre fort. Un jour, pour des raisons que j’ignore ils ne sont pas venus à l’occupation des locaux et René COROMINES m’a désigné et me voilà enfermé pour la nuit mais il faut croire que le receveur n’avait pas toute sa confiance en moi car il est venu au moins 10 fois me voir de peur sans doute que je m’en aille avec le 3 milliards que j’avais à garder, enfin tout c’est bien passé !
Voilà quelques anecdotes que je prends plaisir à rapporter et il me semble que ce que je raconte s’est passé hier ; nous l’avons fait car il y avait une section CGT très forte, unie et revendicative. Nous ne laissions rien passer et on nous respectait aussi.