Les Auxilliaires

par Claude Pellissier (membre de l’AMVIC)

La lutte contre l’auxiliariat a toujours été un souci permanent de la C.G.T., et les luttes contre l’utilisation de cette catégorie de personnel, malléables et corvéables à merci, faisait et fait partie encore aujourd’hui de ses revendications prioritaires « pas d’emplois précaires »

Marseille RP, « la poste Colbert » a toujours pris une part importante dans l’action pour permettre aux auxiliaires d’obtenir les conditions de travail et les droits semblables aux titulaires. Cela s’est traduit dans les luttes parfois sans précédent.

Ainsi en 1964, la section CGT du bureau dût faire des mises au point et rappels auprès de certains titulaires concernant le tour des congés annuels.

En effet, une note de l’Administration autorisait enfin, les auxiliaires de plus de 300 jours d’utilisation, à bénéficier d’un mois de congé, et à entrer dans le choix de la date, dans le tour normal, réservé jusqu’alors aux seuls titulaires, soit de Mai à Octobre, alors que seuls les mois de Février et Novembre leurs étaient attribués. Et il est expliqué :

«A cette nouvelle, quelques titulaires, oh ! Une minorité, ont fait la grimace.

Quoi! Les auxiliaires dans le même tour que nous! Allons, camarades, réfléchissons un peu. L’Administration reconnait enfin aux auxiliaires un droit auquel ils pouvaient prétendre depuis plusieurs années. Pendant ces années perdues on leur a généreusement «accordé» Novembre ou Février, et maintenant qu’ils vont pouvoir enfin profiter un peu du soleil (nous disons un peu, car leur ancienneté, dans la plupart des cas, ne les fera bénéficier que de Mai ou Octobre), c’est nous, camarades titulaires qui leurs contesterions ce droit ! Non, les grimaces dont nous parlions plus haut n’ont été, nous en sommes sûrs, que le reflet d’un sentiment bassement égoïste 

Un titulaire et un auxiliaire sont deux travailleurs de la même administration qui effectuent le même travail harassant, dans des conditions souvent désastreuses.

Pour ajouter : «La CGT vous le savez, est contre le «racisme», pour la justice et l’égalité entre les travailleurs. Elle se doit donc, d’être fidèle à ses principes, de soutenir la légitime revendication des auxiliaires : le tour de congés en 4 mois».

Un tract signé René Coromines, fût tiré pour rappeler les principes de base de l’action CGT: «contre les privilèges, contre le racisme, pour la justice et l’égalité entre les travailleurs », donc soutenir les légitimes revendications des auxiliaires, la lutte contre la précarité de l’emploi, et le respect de la dignité de cette catégorie de personnel fût constante à MARSEILLE RP.

René Coromines
Marcel Rivier

Marcel Rivier nous livrait en 1966 ses réflexions sur le sujet. Claude, son fils (membre fondateur de l’AMVIC nous en parle.

Marcel RIVIER, mon père était un des cadres responsables des services avant et arrière puisqu’il les a tous faits : des abonnés aux guichets pour finir par la nuit. I l était aussi secrétaire de la section du service général CGT, une situation pas simple pour lui, et qui le gênait beaucoup. Je le trouve émouvant dans ses prises de positions déjà avant- gardistes quant au tour de congés des auxiliaires en 1966 lors du Congrès.

« Dans son intervention, il rappelle que leur titularisation ne gênerait en aucune façon les titulaires.. Il s’élève contre le fait que les auxiliaires de Marseille RP ayant un an d’utilisation se voient refuser leur congé dans le tour général contrairement à ce qui se passe à Marseille Gare et sous le prétexte fallacieux qu’ils ne sont pas utilisés dans des emplois de renfort. Il insiste sur les droits élémentaires des auxiliaires comme de tous les travailleurs, à la garantie de l’emploi et au congé à une période normale. Indiquant qu’à l’heure où les Syndicats et l’Université luttent pour que l’instruction et les diplômes qui s’y rattachent soient à la portée de tous, il trouve mal venu que des travailleurs se heurtent à d’autres en raison de ces diplômes, qui ne devraient intervenir que pour l’accès à de meilleures rémunérations ou un avancement plus rapide.Il termine son intervention en insistant sur la diffusion de notre presse syndicale pour s’opposer à la propagande de la télévision qui se trouve entre les mains du Gouvernement. ».

8 ans plus après, Claude Rivier a été embauché comme auxiliaire à la RP en 1974 lors du grand conflit..

« En entrant dans le service j’ai été impressionné par les montagnes de courrier. Et il m’a été rapporté par Georges Rosso que mon embauche a été réalisée pour faire le tri de ce courrier car la grève perdurait depuis des semaines. Claude précise :« mon entrée dans la vie professionnelle commençait bien !! ». En décembre il y a eu un nouveau mouvement de grève pour faire respecter les acquis du mouvement d’octobre novembre..que devais-je faire ?? pourquoi pas entrer dans la grève..il m’a été dit «  tu viens d’arriver et on ne sait jamais les conséquences qui pourraient te concerner..« 

Ma décision de faire grève a été prise et le 1er janvier j’adhérais à la CGT…

Durant l’année 1975, il n’y a pas un seul mois complet sur mes bulletins de salaire, avec un jour de grève pour faire respecter les accords de 74. Ceux-ci ont eu pour conséquence de permettre deux ans plus tard le 1er examen de titularisation des auxiliaires.

Cette longue grève de 1974 dans les PTT a représenté une grande année pour tout le monde mais surtout pour le auxiliaires dont je faisais partie »

En 1971, création du syndicat CGT POSTE des BDR, qui visait à renforcer son efficacité, notamment sur les problèmes concernant les auxiliaires.

Ainsi, déjà le 12 Février 1971, une Assemblée des auxiliaires de la distribution et de l’acheminement se tenait à la Bourse du Travail, pour débattre et envisager les moyens d’organiser l’action sur leurs problèmes spécifiques.

En Novembre 1972, lors du 1er congrès du Syndicat Poste des BDR, la section syndicat CGT de la R.P. proposait la candidature de René Cathala, (auxiliaire à la distribution) à la Commission Exécutive, qui est, comme nous le savons tous, la structure dirigeante de notre syndicat au niveau départemental.

Nicole Bamoudrou

Le Bureau départemental élu à ce congrès s’attelait aussitôt aux problèmes des auxiliaires. Ce fût Georges ROSSO, responsable de la section S.G. de Colbert qui prît la responsabilité, avec Nicole Bamoudrou, des cas particuliers concernant notamment les auxiliaires, au cours d’audiences hebdomadaires (tous les mercredi)s, ce fût une avancée très importante qui renforça le rôle premier de la C.G.T.

Georges ROSSO pendant plus de 10 ans, sût créer les conditions pour maintenir à un haut niveau la bataille pour la titularisation des auxiliaires, car en 1972 leur nombre était, sur la plan national au P.T.T. de presque 80.000, la lutte sur ce point devenait indispensable. Dans un entretien avec Georges, celui-ci nous précise « D’ailleurs, et voyez cela me revient à l’esprit maintenant, nous avons fait grève avec occupation des locaux parce qu’un auxiliaire avait été embauché au ministère des PTT ! »

Georges Rosso

A l’automne de 1974, éclatait à la poste l’un des plus grand conflit de ce Service Public d’Etat, et même dans le monde du travail interpro, une fois de plus la RP y prît sa part dans sa participation et ses initiatives.

L’accumulation des revendications non satisfaites, et le nombre d’auxiliaires utilisés à cette époque, ne pouvaient aboutir qu’à cette explosion. Les acquis de ce conflit furent divers mais le plus important fût la titularisation de près de 50.000 auxiliaires.

En 1974 le syndicat avec Alain Croce créa la Commission Départementale des Auxiliaires ce qui permis d’atteindre le nombre de 530 adhérents auxiliaire en 1977 ! Déjà les différents statuts au sein des PTT semaient la division, mais avec le temps, les luttes permirent de rassembler les fonctionnaires et les auxiliaires. Cette année là, les luttes permirent une titularisation massive des auxiliaires par le biais d’examen professionnel et non de concours ! Mais, revenons plus précisément à l’action de la CGT sur le bureau de Marseille RP. Cependant, la Poste, dans son souci de recherche de rentabilité, continuait à précariser son recrutement et en 1975, tente de mettre en place « les vacataires ». Réaction immédiate de nombreux bureaux de Marseille et du département, arrêt de travail le 5 Octobre, le bureau de Marseille RP s’y inscrit avec 80% de grévistes.

Alain Croce

Actions encore, les 5 et 6 Février 1978, sans préavis de grève. Ces mobilisations contraignent la Direction Départementale à abandonner ce mode de recrutement et rétablissement dans leurs droits à l’ancienneté de tous les grévistes y ayant participé, grévistes titulaires évidemment.

Au fil des années, la lutte contre le développement de l’auxiliariat fût constante, car la Poste bafouait sans cesse les textes en vigueur, et même le Code du Travail (article L211) régissant les contrats C.D.D, d’ailleurs une audience fût demandée et obtenue à la direction afin mettre fin à ces anomalies.

A.CROCE écrirait « C’est une vrai question qui nous est collectivement posée, va-t-on tolérer longtemps de vivre à côté de jeunes à qui notre société et notre Administration n’ont de réponses à apporter que la précarité de leur situation »

Le 6 novembre 1982, lors du 6eme congrès départemental du syndicat Poste à Martigues, dans le rapport d’ouverture, parlant des conséquences du changement politique de 1981,il était indiqué  le maintien des positions de travail dans le 4eme et 6eme arrondissement avec une durée hebdomadaire de 37H, et sur 35H à la RP..puis la précision suivante concernant les auxiliaires:

« Etre à l’offensive partout comme par exemple à la RP, avec la mobilisation du personnel pour empêcher le départ d’auxiliaires avec un arrêt de travail d’une heure »

Pour l’année 2010, je ne peux terminer mon propos sans rappeler un conflit, qui restera longtemps dans l’esprit des anciens de la RP, une lutte de 149 jours, toujours contre la précarité, l’appel de la part de la Poste aux Sociétés d’Intérim 

  • Une lutte exceptionnelle avec une solidarité des autres services, des usagers, des habitants du quartier. Ce qui permit l’embauche de plusieurs CDI.

Ce n’est pas par oubli que je ne cite pas toutes les actions contre la précarité à la RP, un livre entier serait nécessaire

Ce service était à cette époque, une véritable pépinière de militantes et de militants

Je tiens à préciser que plusieurs exemples et citations, dans mon propos, sont tirés du livre « Sac à Terre » écrit par un collectif de 11 anciens responsables du syndicat CGT Poste des BDR, dont 4 militants de la poste Colbert : Alain CROCE (décédé le 19 mai 2018), Martine HERVE, Rolande CARRIERE, et Charles RIBARD.

Paru en 2015

Nous avons un devoir de mémoire vis-à-vis de nos anciens et nous avons un devoir de transmission pour les nouvelles générations, afin de ne pas laisser un terrain stérile ou propice à la misère, et à la perte des Services Publics.

Claude Pellissier.